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Fin de cet événement Mai 2015 - Date du 29 mars 2015 au 31 mai 2015

Capture / the eyes

Nous vous invitons à découvrir la prochaine exposition de l’EAC de Mouans Sartoux à la Donation Albers-Honegger : "Capture / the eyes" exposition monographique de l’artiste Susanna Fritscher.

Le travail de Susanna Fritscher vise à renouveler la perception visuelle et sensorielle de certains espaces, à travers des oeuvres interagissant subtilement avec l’architecture

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Lorsqu’on parcourt les textes écrits sur le travail de Susanna Fritscher, on est frappé par la récurrence et la permanence de certains termes qualifiant ses oeuvres au fil des années. Il est question d’interventions « discrètes et aériennes », d’oeuvres « sensibles, fragiles et immatérielles ». Ces mots, aussi intangibles soient-ils, permettent néanmoins une première évocation du travail de l’artiste qui n’engendre pas de hiatus au moment où l’on se retrouve face à l’oeuvre.

Susanna Fritscher Capture / the eyes, 2014 2014, Vue de l’exposition Promenade Blanche/Weisse Reise au Frac Franche-Comté © Susanna Fritscher I Crédit photo : Laurent Tessier

Susanna Fritscher développe en effet une oeuvre qui puise son langage dans des formes épurées, qui jouent avec la lumière et l’ambivalence de ses effets sur les matériaux.

En étudiant d’un peu plus près le travail de Susanna Fritscher on perçoit toute la poésie de son travail mais au-delà de ce constat, ce qui apparaît et s’impose à celui qui fait l’expérience de l’oeuvre à travers l’exposition c’est sa radicalité. La douceur qui émane des installations de Susanna Fritscher au premier abord est bien réelle mais elle n’en constitue pas moins un leurre si on considère qu’elles organisent à la fois l’espace et le déplacement du visiteur dans celui-ci.

Dans « Capture /the eyes » présenté dans les salles d’exposition de la Donation Albers-Honegger, des fils tendus viennent strier l’espace horizontalement sur plusieurs mètres de hauteur et de longueur barrant la circulation naturelle et obligeant le public à moduler son déplacement.

Susanna Fristcher Crossing / the eyes, 2014 Exposition SOUDAIN NOUS VÎMES AVEC DE FORCE, FRAC Corse. 2014 © droits réservés

L’ensemble est à la limite du visible, seule la lumière vient parfois révéler la présence de ces fils.

Le regard se perd dans ce qui paraît être du vide et quand l’oeil perçoit enfin la matérialité de l’oeuvre, il est souvent dans un rapport de proximité inattendu.
Il est exact de dire que le travail de Susanna Fritscher dialogue avec l’architecture, celle-ci lui sert souvent de socle (au sens propre comme au figuré) et elle est révélée par lui mais est-il juste de dire que ses oeuvres dialoguent avec le spectateur ? Ces dernières années, ses installations offrent un cadre immersif dans lequel la relation au corps devient un élément de tension de plus en plus prégnant.
L’oeuvre vient faire physiquement « écran ». Elle remplit l’espace, le rature, le souligne, ou l’irradie pour conduire le visiteur à se positionner, se placer, se déplacer. Ainsi, qu’il s’agisse de peintures, d’installations, d’oeuvres sonores ou de dessins, l’artiste nous invite toujours à aller voir au-delà, au-delà des apparences,
au-delà de notre connaissance de l’autre et des choses. Pour y parvenir elle expérimente elle-aussi des terrains inconnus : des techniques inédites, des matériaux et des technologies de pointe.

Mais là encore, ce travail d’atelier réalisé en amont pendant des mois et ces nombreux essais pour aboutir au résultat souhaité, demeurent cachés à l’oeil du spectateur qui est juste inviter à jouir de ce qu’il voit, en se laissant capturer.

Susanna Fritscher Soudain nous vîmes avec de force, 2014 Oeuvre multi-média, aluminium - Longueur : 71,5 cm - diamètre : 10 cm 2014, Exposition au FRAC Corse, Corté © Susanna Fritscher I Crédit photo : Laurent Tessier

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Mieux connaître l’artiste

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Les intrusions architecturales de Susanna Fritscher

Texte d’Hugues Fontenas

Extrait 1

Atelier - Cet atelier est fondamentalement un laboratoire de mise au point et d’expérimentation, bien plus qu’un lieu de fabrication pour les travaux de nature architecturale. La plupart des pièces dont il est question seront produites ailleurs, par des entreprises spécialisées et intégrées dans le circuit de construction du bâtiment.
L’organisation architecturale est sans doute ce qui frappe lorsque l’on pénètre pour la première fois dans l’atelier de Susanna Fritscher. Par son ordonnancement autour de la transformation de matériaux, de la recherche d’échelles de fabrication, cet atelier pourrait s’apparenter à celui d’un architecte. Il existe néanmoins une différence importante : alors que les ateliers de maquettes ou matériaux de la plupart des
agences d’architecture renvoient à une temporalité de l’urgence et de l’accumulation (la temporalité des concours, des chantiers), celui de Susanna Fritscher témoigne d’un travail plus régulier, d’une temporalité de plongée, d’immersion dans un univers matériel dont la maîtrise détaillée et continue, de projet en projet, conditionne une expérience esthétique singulière. Il existe dans le travail de Susanna Fritscher une dimension ou une qualité architecturale dont rend donc parfaitement compte l’organisation de son atelier. Si cet atelier témoigne de l’exigence d’un travail de mise au point obstiné dans la production, il rend également compte de l’importance accordée à la qualité de la lumière, aux conditions de la visibilité. Au regard de la dimension architecturale de son travail, il n’est pas étonnant que Susanna
Fritscher ait été amenée au cours des ces dernières années à multiplier les interventions dans le cadre de projets d’architecture en cours d’élaboration, impliquant un travail non plus de "scénographie" détachée, mais véritablement d’intrusion dans le corps même du bâtiment : mise en couleur de façades et de volume intérieurs, avec mise au point d’un produit verrier, pour le bâtiment du cycle d’orientation scolaire
Cayla dans le canton de Genève (LRS architectes, 2006- 2008) ; conception de parois de verre et de "cours lumineuses" pour le bâtiment d’embarquement de l’aéroport de Vienne (Baumschlager & Eberle architectes, 2006-2012) ; commande pour la réalisation d’un plafond dans les salles du hall et du foyer du bâtiment des archives nationales de France à Pierrefite-sur-seine (Studio Fuksas architecte, 2008-2011) ; création d’un ascenseur dans le musée des beaux-arts de Nantes (Stanton Williams architectes, 2010- 2013) ; projet pour un bâtiment conçu par l’agence Lipsky-Rollet ; collaboration avec l’architecte Dietmar Feichtinger.

Une suspension des limites

Extrait 2
Une suspension des limites - L’une des particularités des inscriptions artistiques de Susanna Fritscher dans l’architecture est bien d’interroger les limites entre les deux domaines, mais d’une manière qui suggère une lecture critique tant de la situation actuelle de multiplication des signes artistiques spectaculaires par les architectes, que de l’arrière plan moderniste de dilution du travail artistique dans des
effets d’accompagnement.
Le point de vue critique de Susanna Fritscher tient à une position de recherche extrêmement concrète, une recherche qui pose le travail sur la matière, sur les conditions de sa fabrication et de sa perception au centre du processus. Dans ses oeuvres que l’on pourrait qualifier d’"autonomes", même si ce caractère est ici très relatif, ce travail sur l’indistinction ou la suspension des limites est évidemment présent : dans des passages du transparent au translucide, du blanc au coloré, du mat au brillant, du net au flou. Une fois insinuée dans l’architecture, cette recherche acquiert en fait une puissance nouvelle par un effet d’expansion : la caractéristique de ce travail, pourtant délimité à quelques surfaces, sur les qualités de
matière, de lumière, de couleur est en effet de s’étendre au delà de ses limites objectives, de provoquer un trouble visuel qui oblige à reconsidérer toutes les frontières entre les éléments constitutifs du bâtiment.
Cet effet d’expansion repose largement sur la manière dont Susanna Fritscher fonde ses interventions sur des caractéristiques essentielles des projets architecturaux. Ainsi, pour le hall des archives nationales de France, le travail sur la surface horizontale du plafond répond à l’organisation générale du bâtiment constitué de volumes horizontaux flottant au-dessus d’un miroir d’eau face au corps principal de l’édifice.
[...]
C’est par ce biais que, d’une certaine manière, Susanna Fritscher s’insinue dans le travail de l’architecture, certainement même dans celui des architectes et des autres intervenants habituels d’un projet de bâtiment. Dupoint de vue architectural, l’apport distinctif de l’artiste ne consiste donc pas ici en l’adjonction d’un élément qui se voudrait supplémentaire. Bien au contraire, cet apport est véritablement comme une
insinuation volontairement, et même méticuleusement, indistincte. Cette approche renvoie l’architecture à elle-même, non pas en tant que simple image, mais bien comme projet dans toute les dimensions d’une pensée imbriquée dans la fabrication.
De ce point de vue, le travail d’inscription architecturale de Susanna Fritscher possède un caractère presque essentialiste qui n’est pas sans évoquer les collaborations de Lilly Reich avec Ludwig Mies van der Rohe au cours des années 1920, lorsque le travail précisément matériel de réduction du détail de la première incitait le second à radicaliser son écriture jusqu’à l’échelle de la métropole.7
S’il faut bien mesurer le travail d’inscription / insinuation architecturale poursuivi par Susanna Fritscher au regard de relations entre art et architecture guidées depuis un demi-siècle par une pensée renvoyant souvent à celle du design de produit, c’est parce que ce travail réintroduit à sa manière la question de la profondeur des apparences. La profondeur dont il est question ici est celle qui donne à lire dans le
résultat l’épaisseur d’un processus, d’un projet, c’est à dire la nature même du travail architectural. Le trouble qui saisira les passants confrontés aux interventions de Susanna Fritscher est directement lié à cette qualité de design qui à travers la précision du dispositif exposé renvoie sans monumentalité ni autorité, mais avec précision, à la manière dont ce dispositif s’est constitué, à une fabrication implicite.
En réintroduisant la question de la profondeur des apparences, le travail de Susanna Fritscher effectue donc comme un décodage critique des conditions matérielles de l’architecture à l’ère de la multiplication des signes spectaculaires. En donnant à comprendre un itinéraire de transformation de la matière, ce travail confère aux éléments architecturaux dont elle s’empare un intriguant rayonnement, au-delà de
distinctions usuelles entre oeuvre d’art et objet architectural. 7 Sur ce point voir Christiane Lange, "The collaboration between Lilly Reich and Ludwig Mies van der Rohe", in Helmut Reuter, Birgit Schulte, Mies and Modern Living, Interiors, Furniture, Photography, Ostfildern, Hatje Cantz Verlag, 2008, pp.195-207.

Photo de Une : Susanna Fritscher, Capture / the eyes, 2014. Vue de l’exposition Promenade blanche/Weisse reise au FRAC Franche-Comté. Credit photo : Laurent Tessier

Exposition réalisée avec le soutien de PRIALIZART et ART COMPANY

VERNISSAGE !!

nouvelle exposition à la Donation Albers-Honegger

Samedi 28 mars à 18h

Artiste(s)

Susanna FRITSCHER

Susanna Fritscher est née en 1960 à Vienne, en Autriche. Cette artiste minimaliste d’origine autrichienne vit et travaille à Montreuil. Son travail vise à renouveler la perception de certains espaces, à travers des œuvres interagissant subtilement avec l’architecture. Elle investit des lieux, (...)

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