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Film d’animation : La tortue rouge De Michael Dudok de Wit

Ce premier long-métrage d’animation sans paroles de Michael Dudok de Wit est une sublime réussite d’une grande beauté visuelle et musicale.

Délicieuse fable philosophique, « La Tortue rouge » raconte les grandes étapes de la vie de l’homme à travers un naufragé échoué sur une île déserte tropicale, peuplée seulement de crabes et de tortues dont l’une est géante et rouge.
Mélangeant l’intime et l’universel, cette chronique d’une existence présente toutes les étapes prévisibles d’un homme qui cherche à quitter ce milieu de nulle part où il se trouve coincé.

Pour fuir, il construit un radeau que la tortue rouge détruit d’un coup de carapace, idem à la deuxième tentative, puis à la troisième... De toute évidence cet animal ne veut pas que le naufragé parte et quand ils s’allongent côte à côte sur le sable, ils vont devoir s’apprivoiser après leur impossible lutte l’un contre l’autre.

Pas un mot, seule la musique et quelques sons soulignent l’action d’un minimalisme expressif.

Peu de couleurs et des décors emblématiques pour signifier la mer et ses poissons, le ciel et ses oiseaux, la terre et ses arbres en forêts de bambous ou les plages envahies de petits crabes malicieux, éléments comiques du film. Et l’homme perdu dans la nature. L’homme en accord avec la nature, en osmose avec la nature, en proie à la nature, pour continuer à vivre loin de l’humanité. D’allégorie en philosophie zen, le film déroule sa métaphore où toute la vie de l’homme passe de la jeunesse à la maturité, jusqu’à la vieillesse et la mort. Onirisme et poésie sont présents. Le temps n’existe plus, il est circulaire comme le prouvent les arbres, le ciel, les nuages, les oiseaux qui tourbillonnent. L’enfant refait les mêmes gestes de son père, affronte les mêmes dangers. L’histoire se répète et la mort est montrée comme naturelle sans qu’on
puisse s’y opposer.

L’entremêlement de la vie et de la mort, la prédominance de la nature, le caractère féerique du récit sont soulignés par la musique qui respecte les silences, les bruits de la nature, les sons naturels. S’il y a un côté mystérieux qui plane, il ne laisse pas le spectateur se déconnecter de l’histoire.

Participant à l’adaptation du scénario, Pascale Ferran avait déjà pris en compte
« l’humanisation » de l’animal dans « Bird People » en insistant sur le monologue intérieur d’un oiseau dans lequel s’était transformée une jeune femme de chambre. Cette fois, c’est une tortue qui se métamorphose en une belle jeune fille, comme dans un conte de fées : elle deviendra la compagne du naufragé, ils vivront heureux et auront un enfant – sinon beaucoup....

Le réalisateur d’origine néerlandaise est arrivé dans la sélection cannoise auréolé de
nombreux prix pour ses courts-métrages, oscarisé même pour « Père et fille » (9 min.). Bien que fabriqué en France, « La Tortue Rouge » est coproduit par les Japonais du prestigieux studio Ghibli. Spécialistes du cinéma d’animation, ils ont pris l’initiative du projet. Mais un côté artisanal donne un certain charme à l’histoire et ajoute un plus à la puissance émotionnelle.

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