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Fin de cet événement Mai 2017 - Date du 26 avril 2017 au 31 mai 2017

Après la tempête, de Kore-eda Hirokazu

Passionnant et subtil cinéaste de l’enfance et de la famille dans ce qu’elle a de fragile, Kore-eda Hirokazu est un digne descendant de Truffaut dans ce domaine. Il l’a prouvé avec des films tels que « Nobody Knows », « Tel père, tel fils » et autres.

Dans « Après la tempête », il revient encore à son sujet favori avec l’histoire d’un père (Hiroshi Abe) divorcé et fauché, auteur d’un roman à succès, mais resté depuis en panne d’inspiration.

Pour gagner de maigres revenus, il a accepté un boulot de détective privé qui lui déplaît fort. L’argent gagné est vite dépensé au tiercé, défaut hérité de son père, tout comme une roublardise malicieuse à extorquer de l’argent à sa mère. Celle-ci vit dans une cité d’immeubles en béton depuis la mort récente de son mari et c’est dans sa cuisine que commence le film, alors qu’il est question de l’arrivée d’un typhon.
Alors que ce père, trentenaire immature, tente difficilement de se faire une place dans la vie de son fils et de regagner la confiance des siens, le typhon arrive contraignant à rester ensemble une nuit entière toute la famille, dont la grand-mère (interprétée par l’excellente Kiki Kirin, actrice favorite du réalisateur) qui fait lien entre tous. Elle participe avec justesse à ce que le père puisse construire une relation avec son jeune fils de 11 ans. Les événements s’enchaînent sans heurts ni fausse note, et si le film passe à un registre douloureux, c’est sans s’appesantir.
Frappé, il y a quelque 15 ans, par la cité HLM où s’installait sa propre mère devenue veuve, Kore-eda Hirokazu avait aussitôt décidé la réalisation d’un film se passant dans ces barres d’immeubles avec une grande proximité de voisinage. De plus, il admirait la beauté de l’herbe dans les espaces verts « après la tempête ». Particulièrement doué pour faire surgir l’émotion, son cinéma est de plus en plus empreint de douceur et d’apaisement en s’éloignant de la cruauté et de la morbidité de films comme « Nobody Knows » et « Distance ». Ce qui est beau dans ce film doux et mélancolique, c’est qu’il dépasse les caractéristiques sociologiques pour capter un moment déchirant. Celui où cette famille désagrégée se trouve réunie.
Pour ce père, éternel gamin et écrivain raté, sa vie est fort différente de celle qu’il avait imaginée, aussi bien côté travail que côté famille.

Le film pose une question troublante et pourtant majeure : qui peut prétendre être devenu celui qu’il rêvait d’être ?

Question pour tous les personnages du film, mais aussi pour chaque spectateur et peut-être pour le réalisateur lui-même. Kore-eda Hirokazu a tourné le film sur les lieux de son enfance et de son adolescence. L’immeuble lui-même n’est pas devenu ce qu’il devait être : construit trop vite et trop cheap, il est aujourd’hui délabré et symbole d’un triste isolement, car chacun vit dans son clapier.
La perception du temps a une place importante, un temps pour que chaque membre cesse d’être, aux yeux des autres et pour soi-même, ce qu’il paraissait. Le père laisse percevoir l’effroi que lui inspire sa vie. « Après la tempête » touche quelque chose des manques invisibles qui soutiennent tout rapport affectif au monde.
Couvert de prix à Cannes et ailleurs, Kore-eda Hirokazu est un cinéaste très prolixe qui a déclaré avoir cette fois réalisé son film le plus personnel. Il n’a pas eu l’impression d’écrire une fiction, mais qu’il s’agissait pour lui d’une machine à remonter le temps.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une (détail) Copyright Fuji Television Network
Sortie nationale en salles le 26 avril 2017 -

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