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SIERANEVADA de CRISTI PUIU

Quelque part à Bucarest, trois jours après l’attentat contre Charlie Hebdo et quarante jours après la mort de son père, Lary 40 ans, docteur en médecine va passer son samedi au sein de la famille réunie à l’occasion de la commémoration du défunt.
L’évènement, pourtant, ne se déroule pas comme prévu. Les débats sont vifs, les avis divergent. Forcé à affronter ses peurs et son passé et contraint de reconsidérer
la place qu’il occupe à l’intérieur de la famille, Lary sera conduit à dire sa part de vérité.

Cristi Puiu n’est pas un inconnu du Festival, il nous avait déjà étonné avec
la Mort de Dante Lazarescu,et son scénario très fort sur fond d’urgence, et de soins hospitaliers, dans un milieu pourtant quasi inhospitalier..

Le voila revenu avec Sieranevada, allez savoir pourquoi un titre pareil, pour un film à l’âme italienne, au communisme en filigrane, et aux notes Romano-Soviétiques. Rien du Western. Un seul R comme une provocation de l’auteur, pour lui les titres ne veulent rien dire, ils sont peut être là pour interpeller, comme ce film étonnant.

Un huis clos dans un appartement de 60 m². 2h36 de plans serrés à hauteur d’homme, comme si l’on était spectateur dans la pièce, le voyeur.

Des portes à demi-ouvertes ou l’on entrevoit les choses, les êtres, les discours, des brides pour nous faire une raison, pour ne prendre que l’essentiel, ou ce qui nous intéresse.
Un nombre impressionnant d’entrées et de sorties de personnages, une famille représentant à elle seule toutes les vicissitudes de la vie.
Le respect d’un mort que l’on souhaite honoré par un rituel religieux autour d’un repas en famille.
Un bébé que l’on ne veut pas réveiller, avec un repas que l’on attend comme jamais, certainement un des repas les plus long du Cinéma.

Les êtres s’écorchent, se confondent, se parlent, s’ignorent, s’insultent, se désolent, comédie et tragédie de situations de vies ordinaires.
Les sentiments, la politique, la religion, les croyances s’en mêlent, les haines et les révélations ressortent d’une enfance ou d’un passé qui resurgit à chaque seconde sur l’ensemble des acteurs de ce film.
Malgré de profondes longueurs cela semble être une thérapie pour le réalisateur ;
l’expression de ses peurs sur notre monde, de son ressenti sur la mémoire qui constitue et impose une société.

Une sorte de vaudeville, ou l’on rit quelquefois, ou l’on s’attriste également, quelques scènes de colère à cause d’un véhicule mal garé et nous sommes chez Dino Risi, quelques instants après confinés dans un véhicule nous sommes confrontés aux confidences du passé du personnage principal, souvenir d’enfance et effondrement en larmes.

C’est donc du rire aux larmes d’une famille aux multiples fractures, que nous sommes ballottés dans cette histoire.
Dans la tradition orthodoxe, l’âme du mort est en liberté pendant quarante jours, elle bouge. C’est certainement là le fil conducteur du film de Cristi Puiu

Si l’on devait retenir le trait original de cette réalisation, c’est d’avoir mis la caméra à la place du mort, nous vivons dés lors les choses comme au travers du regard du mort, un peu comme si nous étions présents au centre de ce huis-clos.

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