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Tasic

Tasic nous propose une humanité différente, éloignée des canons de beauté classique.
Sont convoqués plutôt des figures moyenâgeuses à la Jérôme Bosch ou Brueghel, des Bouddhas imposants, des bébés replets ou même des expansions de César, dans sa période niçoise.

Dans l’atelier de Tasic

Ces corps étendus aux chairs débordantes pourraient être dérangeants, faire naître une gêne, mais en fait, c’est leur sensualité qui déborde. On a envie de les toucher, de caresser leurs bourrelets. Ils provoquent l’empathie, la connivence, le sourire.

Cercle, Bronze, patine brune, 100 x 36,5 cm, 2009

Marées de graisses souples bordées d’une peau luisante comme des coulées de lave de volcans qui se superposent, les corps envahissent l’espace alentour, outrepassent les limites d’une nature poussée à l’excès.
Ces reliefs généreux issus d’un schéma corporel qui semble provenir du fond des âges nous renvoient aussi aux déesses-mères nourricières, aux petites statues stéatopyges du magdalénien, parmi les premières expressions artistiques humaines, peut-être même antérieures aux peintures rupestres.

Les Vénus de Lespugue en ronde bosse sculptées dans un os de mammouth il y a 35 000 ans sont probablement des hommages à la féminité, à la parturition.

Ces figurines paléolithiques qu’on retrouve aussi à Willendorf ou Bassempouy montrent probablement des femmes qui viennent d’accoucher, prêtes à allaiter, leur corps peut-être préparé à accueillir leur nouveau né dans la douceur de leurs chairs généreuses.
Ce type de sculpture a perduré puisqu’on le retrouve il y a 8000 ans dans cette femme assise aux chairs débordantes du néolithique anatolien.

Vénus de Lespugue, pierre, -35 000

Chez les khoïsans (une peuplade de Namibie), l’embonpoint est considéré encore de nos jours comme un trait de beauté, nous rappelant que l’esthétique est aussi un facteur culturel. Rien ne nous empêche d’imaginer une humanité aimant les corps gras, souples et plus "confortables".
Miodrag serait-il un continuateur de ces traditions ? Ou plutôt est-il en avance sur son temps ? La tyrannie moderne de la minceur nous empêche peut-être de se poser calmement la question.

Tasic ne s’intéresse pas à ces choses, il laisse aller ses mains et trouve son bonheur d’artiste dans ces formes extravagantes, sensuelles sur lesquelles la lumière joue admirablement.

Allégresse, Bronze, patine brune, 88,5 x 34 cm, 24 cm 2009

Sous ces doigts, la cire s’assouplit et raconte les pleins et déliés de son écriture du corps humain. Les plis et les ombres qu’elles font naître conviennent parfaitement à sa vision.

Les plis ont d’ailleurs beaucoup occupé les peintres et les sculpteurs. Comment rendre visible l’invisible ou plutôt rendre apparent l’invisible ? Les peintres ont tout plié : les tissus, les corps, les textures. La façon dont est plissée une matière donne des informations précises sur sa finesse, sa douceur, son poids.

Michel Ange a dramatisé sa Pièta en accentuant les plis de sa tunique, Titien, El Greco et plus tard les Baroques, en ont même abusé. Peu d’artistes contemporains se sont intéressés aux plis (à part Hantaï qui a travaillé sur le froissage).

Tasic plie les peaux selon sa propre logique tout en respectant les lignes du corps.

Il crée sans bruit une nouvelle science du pli dans son rapport à l’humain.
Ses personnages aux chairs débordantes de corps poussés à l’excès ne sont ni gais, ni mélancoliques. Ils sont toujours entièrement nus pour nous laisser les découvrir, en faire le tour.
Ils semblent en position d’attente, sereins. Debout, assis, ou en position acrobatique, on les voit embrochés, écrasés, incarcérés. Miodrag Tasic les soumet à toutes sortes de contraintes pour faire ressortir la plasticité des chairs. Il dispose d’un vocabulaire de formes étendu pour arrêter l’expansion des corps, ou au contraire, accentuer leur débordement (chaises, barres, fils, cercles, etc.). Ces aplatissements contre une vitre ou au sol, plutôt humoristiques, montrent des corps qui s’adaptent, se coulent comme dans des moules, leur embonpoint semblant amortir ces entraves et les protéger.

Travaillé avec amour et une grande sensibilité, le bronze magnifie son propos. Passionné par cette technique ("Pour créer, il faut trouver sa matière"), il s’intéresse au corps comme support des formes, "en harmonie avec le Grand Tout".

Miodrag Tasic a commencé à sculpter sur bois à 18 ans. Il commence à travailler la cire "perdue" vers l’âge de 28 ans en travaillant trois mois chez un fondeur pour s’approprier la technique du bronze.
Dès ses premières sculptures, son imaginaire des corps était là. Il s’est imposé au fil de ses œuvres.

Appui-dos, Bronze patine brune 55 x 44 x 42 cm, 1998,

À lire le très beau texte analytique de Jean-Paul Potron dans le livre qui lui est consacré : "Miodrag Tasic", Editions Gilletta, Nice, 2011.

Photo de Une : Détail /Le rempant Bronze, patine brune

Artiste(s)

TASIC

Miodrag Tasic est un homme du sud, mais un slave (Serbe)né en ex. Yougoslavie à Belgrade en 1954. C’est dans les années 60, que sa famille s’installe sur la cote d’Azur. Trés jeune, Tasic, sculptera, d’abord sur bois, pui, attiré par la matiére-cire, il passera à la réalisation en bronze de ses créations (...)

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