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Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part IV)

Suite de la lecture en bribes du catalogue de l’exposition « Mises en scène » de l’UMAM

Corps en résonance de Naziha Mestaoui (2013)
S’inspirant des pratiques ancestrales des peuples d’Amazonie, Naziha Mestaoui, qui se partage entre la Belgique et la Tunisie, donne vie à une expérience sensorielle où le mouvement, le son et l’image participent d’un environnement qui éveille une prise de conscience des termes essentiels qui composent l’univers et les êtres.
L’œuvre Corps en résonance est une installation sonore et visuelle interactive qui génère des sons et reflets lumineux au gré des déplacements des visiteurs. Une série de bols de cristal remplis d’eau sont alignés dons un espace. Au départ, ils sont tous silencieux, la présence d’un visiteur interfère avec le dispositif qui commence à réagir, les bols se mettent progressivement à tourner et chanter selon le déplacement des corps dans l’espace. Les fréquences harmoniques ainsi générées métamorphosent la surface de l’eau qui emplit chacun de ces bols, en y formant une multitude de formes géométriques, dont les ondulations se reflètent sur une paroi.
Corps en résonance se propose de rendre visible l’invisible en déployant dans l’espace les différentes formes de vibrations qui composent notre réalité.

Exposition “Mises en scène”, Château Grimaldi, Haut-de-Cagnes

Les Migrateurs de Pierre Ribà
Tant de simplicité et tant de complexité mêlées. Des formes énigmatiques, des figures étranges, qui intriquent, interrogent, séduisent aussi. Souvenirs, peut être, d’objets ancestraux. Un totem ici. Là un musqué. Et toujours, cette retenue, cette fluidité. Et ce silence quasi religieux qui émane de l’univers monochrome. « Ses sculptures nous sont si proches que lorsqu’on les a vues une fois, on a l’impression de les avoir toujours connues, comme des amies revenues de loin, comme des souvenirs ou des colombes, des chants mélodieux familiers, tant l’harmonie les dresse face à nous, humbles et humaines », note Georges Chich. Et c’est indéniable, ces œuvres de morceaux de cartons soigneusement agglomérés ont l’étrange pouvoir de s’imposer d’emblée au regard, comme une évidence plastique, une espèce de loi physique, un refrain obsédant qui vous trotte dans la tête toute la journée.
Cette sculpture sons fioritures, sons effets de manche, est un hommage à l’objet immémorial, à cet art primitif auquel nous devons tant et que Pierre Ribà se réapproprie et réinvente au gré de sa fantaisie. « Il donne par le filtre de la création un nouveau pouvoir à un objet jugé initialement quelconque. Assure une fonction sacrée qui se loge, en un nouveau temple, dans un rituel voulu par les anciens, que certains nomment aujourd’hui design », note Grégory Tuban. Incroyable pouvoir de séduction de cette sculpture tout à la fois de notre temps et d’un temps que les moins de mille ans ne peuvent pas connaître... Pierre Ribà est un magicien qui cherche l’essentiel en utilisant le superflu, qui transforme du corton en or. Signe des temps, sa sculpture sobre, presque surnaturelle, aux noms enchanteurs (Cabeza, Black Idol, Feuille de Nuit ou Origami), invente des mondes parallèles qui ouvrent à l’imagination des perspectives illimitées. (Ludovic Duhamel)

Exposition “Mises en scène”, Château Grimaldi, Haut-de-Cagnes

Verana Costa et Gilbert Caty : une histoire de sirène
L’une des pièces les plus proches de l’histoire du château Grimaldi est certainement celle de Verona Costa, née en 1984 à Bastia, et Gilbert Coty, né en 1956 à Draguignan. Ils annoncent ainsi leur démarche, sous le titre « Phantasma » :
Le Château Grimaldi, comme tous les châteaux, est hanté c’est sûr.
Il est certes habité par les nombreux esprits Grimaldi, du marquis de Corbons et baron de Cagnes, Jean Henri Grimaldi, à son arrière grand père maternel du côté de son père (ou paternel du côté de sa grand mère Yollande, on n’sait plus ! Claude de Villeneuve, baron de Vence, président des États de Provence, en passant par le père de ce dernier, Alexis de Villeneuve, marquis de Trans, seigneur de Flayosc, et son grand père, Louis de Villeneuve, seigneur de Flayosc lui aussi, marié le 11 décembre 1458 avec Colette de Castillon qui aurait passé la nuit du 10 entre Trans et Flayosc dons les bras du comte Pietro di Azuro, père de notre héros Nascimento Essepçaõ di Azuro, alias René d’Azur.
Mais laissons cette foule croupissante de vieux spectres à demi effacés s’entrechoquer dans le labyrinthe des galeries souterraines. Sous les feux de la rampe, un autre fantôme, sensuel, charnel, hante ces murs dans une autre galerie, une galerie de portraits. La garçonne Surcouf, la guerrière Sculpturale, Solidor l’Amirale.
... et on entend encore sa voix : « Il entra et dans ses yeux sombres je vis la nuit... car dans un port on n’attend pas lorsque l’amour vous tend les bras. Ah Ah !... »
Mais ça c’est une autre histoire.

Exposition “Mises en scène”, Château Grimaldi, Haut-de-Cagnes

Suzy Solidor
Suzy Solidor fait partie des mythes cagnois, car, de son vrai nom Suzanne Louise Marie Marion, née le 18 décembre 1900 à Servan-sur-mer, elle est morte le 30 mars à Cagnes-sur-mer, après avoir fait profiter la bourgade de sa réputation de chanteuse, de comédienne et d’écrivain. Elle fut d’abord une « garçonne » dans ce qu’on appelle « les années folles » à Paris, mais ce qui a inspiré Verana Costa et Gilbert Caty, c’est ce qu’elle a raconté de sa naissance : qu’elle est née de père inconnu à Saint-Servan-sur-Mer, commune aujourd’hui rattachée à Saint-Malo, dans le quartier de la Pie, que sa mère, Louise Marie Adeline Marion, âgée de près de trente ans, était domestique chez Robert Henri Surcouf, avocat, député de Saint-Malo et armateur, descendant de la famille du célèbre corsaire et que celui-ci serait son véritable père. Reconnue à l’âge de sept ans par le mari de sa mère, Eugène Prudent Rocher, elle prend le nom de Suzanne Rocher, la famille s’installe dans le quartier de Solidor à Saint-Servan, qui inspirera plus tard son nom de scène. Elle apprend à conduire en 1916, passe son permis l’année suivante, ce qui à l’époque est exceptionnel pour une femme. Peu avant l’armistice de 1918, en tant que chauffeur des états-majors elle conduit des ambulances sur le front de l’Oise, puis de l’Aisne. Après la guerre, à Paris, vivant avec Yvonne de Brémond d’Ars, elle devient antiquaire. Elle vivra une idylle avec Jean Mermoz.
Elle se tourne vers la chanson en 1929, sa voix grave est taxée de « voix qui part du sexe » par Jean Cocteau), elle devient l’icône de la chanson « maritime ». Elle apparaît dans le film « La Garçonne » tiré du roman de Victor Marguerite, et devient l’égérie de nombreux photographes et peintres, inspirant plus de deux cents d’entre eux dont Raoul Dufy, Jean-Gabriel Domergue, Kees Van Dongen, Foujita, Marie Laurencin, Francis Bacon, Jean Cocteau. Son portrait le plus célèbre fut réalisé en 193 par Tamara de Lempicka.

Exposition “Mises en scène”, Château Grimaldi, Haut-de-Cagnes

Lorsqu’elle s’installe en 1960 à Cagnes-sur-mer, dans son cabaret, « Chez Suzy », sont accrochés deux cent vingt-cinq de ses portraits. Elle s’y produit jusqu’en 1966 avant de prendre la direction d’un magasin d’antiquités, sur la place du château du Haut-de-Cagnes. Et en 1973, elle offre à la ville de Cagnes-sur-mer une quarantaine de ses portraits, qui figurent aujourd’hui parmi les œuvres remarquables du Château-Musée Grimaldi. Elle meurt le 30 mars 1983 et est enterrée à Cagnes. A propos de chansons maritimes, citons quelques titres :

Dans un port (Suzy Solidor)
C’est à Hambourg
La Fille des bars
Ohé capitaine
La Brume sur le quai
Le Matelot de Bordeaux
Une fille dans chaque port
Le Bateau espagnol (Léo Ferré)
La Belle Croisière, 1934

Il était donc judicieux de placer les « anges » de Nivèse dans la Salle Solidor, Nivèse (Nivès Oscari) dont la famille émigra de Croatie en Belgique juste après la guerre, Nivèse la voyageuse, dans tous les sens du terme, c’est son odyssée que j’ai racontée dans une livre édité aux éditions Melis, et qui s’intitule « Nivèse, la part féminine de l’Ecole de Nice ».

Exposition “Mises en scène”, Château Grimaldi, Haut-de-Cagnes

(A suivre)

Retrouvez les parties I, II, III et V de la Chronique 76 :
Chapitre : 76 Ultra Violet (Part I)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part II)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part III)
Chapitre 76 : Simone Dibo-Cohen (Part V)

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